Bonjour,
Je tente l'écriture d'un article qui, je l'espère, va vous intéresser. J'ai infiniment besoin de vos retours.
Le but de cet article est d’en finir avec les clichés sur Conan et les autres œuvres d’Howard. Il s’agit de donner des clés très schématiques pour arriver à reproduire une histoire « à la Howard » sans tomber dans les poncifs. Les éléments sont avant tout rédigés pour aider un roliste à écrire un scénario intéressant mais sont valables pour écrire une vraie nouvelle dans le même style que le Maître.
Les films et les comics.Tout d’abord réglons un malentendu. Si le film de John Milius est un bon film, il n’a rien à voir avec le vrai personnage de Conan. Ce film était surtout un prétexte pour le producteur d’installer Schwarzenegger devant la caméra et pour le réalisateur d’exprimer sa fascination pour Nietzsche. Rien à voir avec la choucroute. Gardez juste la sublime musique de Pouledoris et oubliez le reste.
Concernant les bandes dessinées c’est plus complexe. Si Roy Thomas a bien retranscrit les nouvelles d’Howard, il a aussi adapté les écrits de Sprague de Camp. Ce dernier, possesseur des droits d’Howard, avait « amélioré » les nouvelles en ajoutant sa patte, transformant le barbare en sauvage benêt et brutal. Les illustrateurs ont quand à eux travaillé à partir des illustrations mythiques de Frazetta et consorts qui ont expérimenté leur étude du corps avec des personnages bodybuildés et à moitié nus.
Si vous voulez retrouver le « vrai Conan » il va falloir se procurer les recueils édités par Bragelonne. L’éditeur a fait un vrai travail à partir des manuscrits originaux afin de retranscrire les récits authentiques exempts d’ajouts et autres « améliorations ». Les travaux de Dark Horse comics sont intéressants (et surtout superbement illustrés), vous les trouverez chez Panini Comics en VF.
Slips en fourrure et gros biceps.Justement pas de slip en fourrure dans les récits d’Howard. Le fameux « Nothing but a loincloth » n’est pas une invention d’Howard. Désolé. Idem pour la musculature proéminente et l’idée que le personnage n’est qu’un tas de muscle sans cervelle. La première fois qu’Howard écrit Conan, il lit une carte, pas mal pour un bourrin ! Dans une histoire Howardienne, les personnages doivent leur survie autant à leurs muscles qu’à leur tête. Donnez une apparence logique à vos personnages et faites en sorte que leur physique ne s’exprime pas en apparence mais à travers leurs actes.
Bon. J’avoue je suis un grand fan du chainmail bikini. Si vous ne devez gardez qu’un cliché, prenez celui-là.
Femmes lascivesResituons le cadre d’édition des nouvelles d’Howard : des revues Pulp destinées à des jeunes hommes en manque d’action trépidante et d’érotisme retenu. Les illustrateurs ne s’y trompait pas et l’ont voyait souvent en couverture des femmes aux vêtements déchirés attendant que le héros viril la sauve du destin funeste que lui réserve le Grand Méchant. Howard a donc écrit en fonction de son public ce qui peut se comprendre. Pourtant, si on retrouve dans Conan quelques potiches insupportables, il faut bien reconnaitre que Howard savait créer des héroïnes au caractère bien trempé. Belit, la Reine de la Côte Noire est réellement l’alter-égo de Conan et même la princesse Yasmina fait preuve d’un caractère bien trempée. Chez Howard les femmes sont courageuses et volontaires (quand ce ne sont pas de vraies panthères aussi dangereuses qu’un homme) mais aussi viles et sournoises quand il le faut.
Rebondissements et action débridée.Un cliché récurrent est de dire que les histoires d’Howard ne sont pas bien complexes. Oui et non. Souvent la situation de base n’est qu’un enjeu, une situation tendue évidente qu’il faut résoudre, une princesse à sauver, un méchant à tuer. Cependant la qualité de ses récits est de renverser la situation en plein milieu à l’aide d’un rebondissement inattendu. La princesse est en fait l’amante du Méchant, une menace encore plus grande oblige le héros et son ennemi à s’allier pour survivre, les alliés tombent comme des mouches dans une embuscade, etc. Le secret c’est de lancer une intrigue claire rapidement et de lancer les héros dans une succession de scènes multipliant les défis. Ces défis ne sont pas uniquement des combats, ils doivent être de nature physique (escalade, course, survie) ou intellectuelle (trouver un passage secret, pénétrer discrètement dans une demeure, éviter les pièges, résoudre une énigme, etc.) et s’enchainer pour conserver un rythme tendu. Puis, au moment où tout semble se résoudre, renverser la situation par un rebondissement surprenant qui va rebattre les cartes.
Horreur lovecraftienne et absence des Dieux.Une chose étonnante dans le monde de Conan est l’omniprésence de cultes mais l’absence notable d’interventions divines. Les prêtres sacrifient des animaux ou des humains mais, bien souvent, leurs prières restent vaines ou, pire, servent les desseins d’une créature démoniaque ou d’une entité très ancienne venant d’outre dimension. On retrouve ici l’influence de Lovecraft et son pessimisme ambiant. De même les monstres ont toujours des apparences improbables. Pour décrire une scène horrifique, imaginez une tension apocalyptique et restez flou sur les descriptions. Un loup par exemple sera une « créature poilue aux crocs acérés et gorgés de sang ».
Civilisation et BarbarieJe cite ici l’ami Shevatas : une constante chez Howard est LA GRANDEUR ET DECADENCE DES CIVILISATIONS avec ce mouvement perpetuel de Mondes Nouveaux qui balaient les Anciens, ces Peuples sortis de l'Age de Bronze qui se hissent sur les ruines de vieilles Civilisations Décadentes.
« La civilisation n’est que le fruit du hasard. Au final la barbarie triomphe toujours. » Comprendre ici la barbarie au sens mode de vie et non au sens malsain du terme.
Décrivez des sauvages abrutis qui seront les maîtres de demain et des nobles chevaliers qui se sacrifient sans hésitation au nom de Rois décadents et corrompus.
Domination des blancs sur les autres peuples.Une idée commune, Howard en bon texan croyait en la suprématie des blancs sur les autres peuples. Voilà bien un truc qui faisait bien rigoler Howard (pas du tout convaincu par la montée du fascisme dans les années 30) mais qui s’explique par sa fascination pour ses origines normandes et irlandaise. Ses héros portent toujours en eux le sang des celtes et/ou des vikings mais il reconnait à chaque culture ses forces et ses faiblesses. Cet aspect ethnoculturel est très important et dans ses récits transpirent toujours la cruauté des tartares, la fierté et le fatalisme des arabes ou la sauvagerie animale des africains noirs.
HumanismeLes récits d’Howard n’ont rien d’altruiste et optimistes. Pourtant ses personnages ont une présence palpable. Il ne décrit jamais d’homme ou de femme parfaits mais toujours des êtres partagés entre leurs croyances et leur nature profonde. Ils sont toujours perfectibles mais très présents.
A partir du moment où vous donnez un nom, faites en sorte qu’il est une apparence, un caractère marqué et une ambition personnelle. Ce dernier point est important car les personnages chez Howard ont tous une âme qui les rend vivants.
Jouez avec l’HistoireSi Howard a créé le monde Hyboréen c’est pour réutiliser l’Histoire sans avoir à perdre du temps dans la documentation. Les pictes rappellent la chute de l’Empire romain en Grande Bretagne, Khauran la lutte des royaumes chrétiens durant les croisades et les farouches hyrkaniens les barbares mongols. Reprenez n’importe quelle période historique trouble et inspirez vous en pour décrire l’ambiance de votre histoire.
EvocateurToujours l’ami Shevatas : autre point fort, LA PUISSANCE DANS L'EVOCATION D'ATMOSPHERE, tellement maitrisée chez REH, surtout sur ses courtes nouvelles où quelques mots suffisent pour faire surgir de l'imagination du lecteur des tableaux aux couleurs baroques, des parfums de temps oubliés, des horreurs préhumaines et des cauchemars cachés...et surtout des fresques de batailles qui transpirent le sang et le métal.
C’est sans doute l’un des points majeurs de l’écriture mais aussi le plus difficile à reproduire. Le vocabulaire d’Howard se voulait grandiose, mystérieux et puissant. Le choix judicieux des mots faisait travailler l’imagination et chacun arrivait à se faire une idée de la scène. Jouez sur les sensations (froid, chaud, humide…) et sur les émotions fortes (haine, colère, désespoir, luxure…) afin de faire pousser les joueurs/lecteurs à interpréter la situation.
Format court et continuitéHoward écrivait des histoires courtes avec un début, un milieu et une fin. Si vous rédigez une histoire « howardienne » faites en sorte que le format se suffise à lui-même. Si vous souhaitez conserver les personnages et lieux pour une autre histoire, utilisez les dans un contexte totalement différent, faîtes références à des événements passés qui ont bousculé les choses afin de faire comprendre que rien n’est immuable et que le monde est en perpétuel mouvement.